Richard Gardette réalise des films en pixilation (animation image par image d’acteurs en chair et en os) au sein des Pixilateurs dont j’ai présenté la pub pour Ubiquitus. Comment se passe un tournage en pixilation ? Sur quels projets travaille-t-il ? Richard répond à mes questions et revient sur son parcours.
Comme tu peux le voir sur la photo, (le type à gauche) je suis déjà un » senior creative » dans le métier !
J’ai commencé la photo à 25 ans en autodidacte, après des études de droit qui m’ont convaincu que ce n’était pas là qu’il fallait que j’aille.
J’ai rapidement travaillé pour la pub d’abord à Lyon puis à Paris jusque au début des années 90, puis j’ai été entraîné vers Munich où j’ai passé 17 ans.
J’y ai surtout produit des photos pour les banques d’images CORBIS, GETTY … et j’ai commencé à travailler en vidéo corporate pour des clients qui souhaitaient passer à l’image animée.
Depuis l’année dernière, je suis de retour en France.
Je suis venu à la pixilation il y a quelques années, un peu par hasard : des copains d’une petite agence de pub m’ont demandé de faire un film sur eux en me donnant carte blanche. J’ai immédiatement pensé à la pixi qui me travaillait depuis longtemps. En fait depuis un court de Lolo Zazar aperçu à la FIAC qui m’avait littéralement sonné ! Ensuite sur un projet de films de recrutement pour une filiale de Deloitte, j’ai de nouveau eu carte blanche et ai pu imposé de la pixi.
Les Pixilateurs, ce sont deux personnes : un directeur artistique issu de la pub et moi. Pour réaliser mes idées, j’ai rapidement pris conscience qu’il serait extrêmement bénéfique de m’associer avec un talent complémentaire. J’ai demandé à mon vieil ami Pierre Sabatelli de me donner un coup de main et il a accepté bien volontiers, pour mon plus grand bien. En général, j’écris les histoires et nous travaillons ensemble pour les améliorer, puis lors de la réalisation, nous nous répartissons les rôles de façon évidente. Pierre prend en charge la direction artistique comme il le ferait sur un shooting photo et une partie du stylisme et moi je me charge de la partie prises de vues, direction d’acteur et post prod. On se sent parfaitement complémentaires.
Notre histoire est récente, mais nous sentons que notre approche qui consiste à proposer un package conception-réalisation nous dirige plus volontiers vers des clients en direct que vers des agences de publicité qui ont pour vocation de fournir de la création.
Si on veut au final de la Pixilation riche, il est fondamental pour pouvoir en tirer tous les bénéfices et non pas seulement un » gentil petit effet d’images saccadées « , de connaître la réalisation en Stop Motion, ses limites techniques et je dirais surtout, jusqu’où on peut aller avec un personnage à qui on fait subir ça !
Pour Ubiquitus, j’ai reçu un brief succinct sur le message que le client voulait faire passer : montrer un type débordé qui aurait besoin des services d’une conciergerie d’entreprise en les présentant. L’idée des Post It m’est venue immédiatement et nous avons été quasiment libres pour la réalisation.
A l’origine, j’aurais préféré shooter en situation, mais avec mon expérience de la production pour le stock, j’ai vite compris qu’il serait beaucoup plus facile de travailler en studio … et moins cher sur cyclo blanc !
Le shooting proprement dit s’est déroulé sur trois jours, en équipe très réduite : j’étais parfois seul dans le studio pour certains plans avec les objets.
Il y a une partie pixilation et une partie stop motion objets. Lorsqu’on voit dans le film un pneu arriver et ensuite des démonte-pneus s’en occuper, il n’y a personne dans les chaussures qui dépassent sous le bureau. Plusieurs parties ont été shootées et montées à l’envers : c’est le cas des chemises, du défilé d’objets et du retour de Benjamin (notre héros favori) à son bureau à la fin.
Le plus long et le plus pénible pour l’acteur a été l’effet de grue au cours duquel il se retrouve couvert de Post It. Ce plan qui dure quelques secondes à l’image a nécessité une matinée entière de shooting au cours duquel il devait rester comme une statue, imperturbable!
Je l’espère !! C’est très tendance ! Et pas très cher : » le cinéma avec les moyens de la photo « … un argument déjà présent sur notre site.
Mais j’espère aussi qu’on n’en restera pas à un mélange d’images en time lapse shootées en réel, et d’animation sous After Effects pour obtenir un effet » branché « .
Je reviens sur le problème de la conception pour la pixi : il me parait vraiment nécessaire pour écrire d’avoir de solides notions de réalisation, si on veut sortir des clichés du mec qui glisse (je l’ai fait aussi) et des vêtements qu’on permute à toute vitesse.
Ecrire pour de la fiction traditionnelle et pour de l’animation demande des connaissances de cinéma solides, mais limitées seulement par l’imagination et les contraintes budgétaires.
Ecrire pour de la pixi demande une réflexion et des connaissances qui interrogent en permanence les limites de la technique : chaque seconde en pixilation doit être signifiante et justifier le recours à cette technique, sinon, à quoi bon ? D’ici peu presque tout en animation, y compris pour simuler le stop motion sera réalisable avec des softs de compositing aussi accessibles qu’AE.
Pas facilement … sauf si on a un acteur génial ! Ce qui est le cas avec notre comédien-magicien fétiche, Benjamin Crane.
On pourrait dire mille choses, mais je pense qu’une est essentielle : il faut pouvoir tester et valider soi-même les idées qu’on veut demander à un acteur d’exécuter.
Une grande qualité pour le comédien sous pixi est probablement le sens du rythme. Il faut qu’il puisse anticiper dans sa tête le résultat du mouvement qu’on lui demande.
Bon, il peut aussi arriver qu’on le déplace comme un sac de patate ou comme une marionnette. Le grand maître Svankmajer disait, » je veux donner vie aux objets » et bien moi, avec la pixi, je cherche à transformer les humains en marionnettes et en personnages de cartoon !
Pour le shoot, ce sont des équipements de prises de vues photo classiques : Canon 5DII, Flashs de studio, moyens de travelling rustiques (caddie, skate board …)
Pour l’animation, on utilise un soft US: Dragon.
Pour le montage, Final Cut et After Effects (juste pour la colorimétrie et le titrage).
J’essaye de proposer à la télé ou à des annonceurs en direct deux séries de très courts sur lesquels on est en train de travailler et qui sont déjà bien avancés en écriture (et déposées à la SACD).
Le problème de la pixi à la TV, apparemment, c’est la durée; les chaînes n’aiment pas vraiment les » virgules » et les formats inférieurs à 2′ 30 » car elles ne peuvent pas en mesurer l’audience. Donc elles ne sont pas trop disposées à dépenser de l’argent… et la pixi, ce n’est pas très cher, mais quand même plus qu’une blonde assise sur un tabouret devant un cyclo blanc.
Le site de Richard Gardette : www.richard-gardette.fr